November 15, 2016

Phèdre de Jean Racine – commentaire composé –

By Cristina
Phèdre (acte I, scène 3)
                                      de Jean Racine
– commentaire composé 
Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d’Egée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait s’être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :
Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,
J’adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce Dieu que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. O comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein et des bras paternels
Je respirais, Oenone ; et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence.
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même  à Trézène amenée,
J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vite aussitôt a saigné,
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.
Je  voulais en mourrant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire (…)
                               
1.      Introduction
 Phèdre est une tragédie de Jean Racine. La pièce fut jouée pour la première fois le 1er janvier 1677, par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne.
          Dans l’acte I, scène 3, Phèdre, épouse de Thésée, avoue à Œnone, sa nourrice et confidente, la passion qu’elle ressent pur son beau-fils, Hippolyte.
2.      La passion de Phèdre
La passion de Phèdre est une passion interdite et cette passion change sa personnalité.
2.1.  L’amour pour Hippolyte
Dans sa confession, Phèdre affirme l’amour pour son beau-fils : « J’adorais Hippolyte » (v.286).
L’amour pour Hippolyte représente un adultère. Phèdre portait en cœur, pour Hippolyte, un amour plus grand que l’amour maternelle qui a apparu quand elle l’a vu. Cet amour est infini, est un amour sans issue.
2.2.  L’opposition entre amour et raison
En Phèdre se porte une lutte entre amour et raison. La raison dit que l’amour de Phèdre n’est pas un amour normal.
À cause de l’amour pour Hippolyte, Phèdre perd sa raison : « Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue » (v.274).
La lutte entre amour et raison détruit la personnalité de Phèdre et le destin : « Cruelle destinée ! » (v.301).
2.3.  Les manifestations physiques de l’amour
Les manifestations physiques de l’amour sont présentes en le vers 273 : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ».
Ces manifestations expriment l’intensité de l’amour. Les adjectifs possessifs apparaissent tout à coup avec les caractéristiques physiques : « mes yeux », « mon corps ».
3.      La tragédie de Phèdre
La tragédie de Phèdre apparaît tout à coup avec l’apparition de l’amour pour son beau-fils.
3.1.  Le sentiment de culpabilité
L’amour de Phèdre est un amour coupable. Phèdre se sent coupable à cause de l’amour interdit : « Et dérober au jour une flamme si noire » (v.310).
Phèdre se sent honteuse de ce fait : « J’ai conçu pour mon crime une juste terreur » (v.307).
3.2.  Phèdre – une femme languissante
Phèdre est une femme languissante à cause de l’amour incurable : « incurable amour » (v.283).
« Incurable amour » peut-être considérer une métaphore. L’amour est comme une maladie pour Phèdre.
3.3.  Le désir de la mort
La mort est le désir de Phèdre parce que elle est l’unique solution d’échapper de sa culpabilité : « Et dérober au jour une flamme si noire » (v.310).
4.      Conclusion
En conclusion, dans ce fragment, Phèdre se prouve être un personnage complexe.
Dans la préface de Phèdre, Racine affirme : « En effet, Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente » (Jean Racine, Phèdre, p.11).